jeudi 3 janvier 2019

[TEST] The Spectrum Retreat sur Nintendo Switch

Dans un futur proche, vous vous réveillez dans ce qui semble être une chambre d’hôtel d’une classe certaine, le genre d’hôtel propre sur soi, impersonnel et manquant cruellement de charme.
Toc Toc Toc [Coups sur la porte]
Les pieds à présent posés sur la moquette, vous vous dirigez vers la porte de votre chambre où est accrochée votre veste. Vous ouvrez celle-ci et tombez nez à nez avec un humanoïde à l’allure aussi impersonnelle que son environnement. D’un ton solennel, celui-ci vous invite à rejoindre le restaurant pour y prendre votre petit déjeuner et s’excuse par la même occasion des désagréments techniques. À peine la porte refermée et nullement remis de votre rencontre avec cet individu qu’une sonnerie insistante se fait entendre. Un rapide coup d’œil dans votre chambre et vous voilà face à votre téléphone. Vous le prenez et regardez par la même occasion vers l’agenda posé sur le secrétaire, vous y faites une croix, la raison de cet acte vous échappe encore, qu’importe, vous voilà prêt à rejoindre le restaurant. En déambulant dans les couloirs tristement vides de l’hôtel, plusieurs notifications vous invitent à vérifier les messages de votre téléphone :
« On vous attend en bas. »
« Vais vous libérer. Agissez normalement. »
Voilà comment débute votre aventure dans The Spectrum Retreat, un jeu développé par le jeune Dann Smith mêlant narration et puzzle game en vue subjective. Sorti initialement cet été 2018 sur PC, PS4 et Xbox One, le titre édité par RipStone s’invite ici sur la petite Nintendo Switch.


Avant toute chose, faisons un point rapide sur l’histoire ou plutôt, évoquons les bases de celle-ci. Votre avatar est enfermé dans un établissement nommé Penrose Hotel, un bâtiment immaculé de toute trace de vie humaine dans lequel le joueur aura comme seul lien vers l’extérieur, un téléphone. À l’instar d’un Neo obéissant aveuglement aux indications de Morpheus, vous serez invité à en faire de même avec une femme nommée « Cooper » qui sera votre unique contact externe durant cette aventure synonyme de tentative d’évasion. Car oui, avec son aide, le joueur devra trouver le moyen de quitter les lieux mais pour y parvenir, il devra passer par des phases d’enquêtes/observations et de piratages, en forçant le système de sécurité des différents étages de l’hôtel. Autant vous l’indiquer de suite : le jeu prend un malin plaisir dès son introduction à pousser le joueur au questionnement et pose dès les premières minutes manette en mains, l’emprunte d’une ambiance pesante voire angoissante. Vous ignorez absolument tout, vous ne savez pas pourquoi vous êtes dans cet hôtel, ni comment vous y êtes arrivé, vous ignorez qui est cette « Cooper » mais surtout, vous êtes absolument incapable de savoir si oui ou non celle-ci est de votre côté. Sous-entendu, l’expérience de jeu se divise en deux phases bien distinctes, d’un côté l’exploration et de l’autre la partie puzzle game. Cette scission se fait non seulement à travers le gameplay mais également par ses décors. On passe ainsi d’un Penrose au classicisme déconcertant à des puzzles aux environnements futuristes voire numériques, agrémentés d’une colorimétrie très « flashy ».

Venons-en à présent à la première phase du jeu : l’exploration qui sera la principale occasion de découvrir la grande majorité de l’histoire. Le joueur devra le plus souvent y récupérer des codes d’accès permettant l’ouverture des portes de service « cachées » dans les étages de l’établissement. Accompagné à distance de « Cooper », il devra fouiller chaque recoin de l’hôtel en quête d’indices et pourra récupérer par la même occasion quelques journaux présents sous la forme de cube, l’informant un peu plus sur l’histoire. Ces recherches sans grandes difficultés donneront l’opportunité de découvrir différents lieux telle l’impressionnante bibliothèque, la piscine ou encore le restaurant. Des endroits à l’atmosphère toujours aussi perturbante avec cette sensation désagréable d’être continuellement épié par le personnel de l’hôtel. Soulignons d’emblée l’excellente performance vocale de l’actrice doublant « Cooper ». Entièrement dans la langue de Shakespeare, sa prestation est vraiment de haut niveau et cerise sur le gâteau, cette performance est intégralement sous-titrée en français. L’initiative est belle, cependant le sous-titrage est parfois difficile à lire notamment lorsque le joueur fait face à des teintes claires : le choix d’une typographie plus marquée aurait été au final bien plus confortable.


En ce qui concerne les phases de puzzles, le principe est relativement aisé à comprendre. Dans les faits, il suffit d’échanger/absorber une couleur via le smartphone pour traverser les différents portails. Par exemple, devant l’impossibilité de passer un portail rouge, le joueur devra partir en quête d’un cube de la même teinte. Une fois la couleur rouge récupérée, le passage du portail sera autorisé : l’idée est simple et on se prend très vite au jeu dès l’assimilation du concept. Au fur et à mesure de l’avancée, d’autres mécaniques viendront s’ajouter comme l’implémentation d’autres couleurs ou encore… « Non, vous n’en saurez pas plus, ce serait vous gâcher le plaisir ! ».

Bien évidemment, qui dit ajout de nouvelles mécaniques, dit possibilités étendues mais également difficulté augmentée. Véritablement, c’est dans cette difficulté croissante que le titre tire son épingle du jeu car même si celle-ci vient à augmenter, elle n’est jamais ressentie comme frustrante, l’équilibre y est parfait. Alors certes la réflexion sera de mise et certaines situations mettront votre sens logique à l’épreuve mais de manière générale l’avancée se fait sans accroc. Quand bien même un puzzle procure quelques suées, le joueur se verra gratifié à son accomplissement d’un sentiment de satisfaction qui le poussera à continuer vers de nouveaux défis. En d’autres termes, le joueur se sentira armé pour passer à l’étape suivante. À noter que même durant les phases de puzzles, la narration est présente mais indirectement sous la forme de « glitchs » qui permettront de lever le voile sur d’autres aspects de l’histoire.

Sans conteste, ces phases de puzzles sont véritablement plaisantes à parcourir, tout au plus on pourrait faire le reproche d’une mécanique un brin punitive dans quelques situations spécifiques. Certaines erreurs obligeront par exemple le joueur à recommencer purement et simplement une section, on pourrait également reprocher la gestion des sauts approximatifs (car oui votre avatar a la capacité de sauter) mais au final on se rend bien compte que même avec ces griefs, les puzzles et le level-design restent diablement efficaces à tel point que l’on ne dirait pas non à quelques sections supplémentaires. Des sections supplémentaires ? Eh bien oui, car en tout et pour tout, il ne faudra que 5 ou 6 heures pour arriver à la fin de l’aventure. Alors clairement, quelques épreuves en sus n’auraient pas été un luxe. Il y a bien une compensation sous couvert d’une deuxième fin, mais au-delà d’un second run pour découvrir celle-ci, il est difficile de mettre en avant une potentielle « re-jouabilité », le paragraphe suivant sera d’ailleurs le moyen de vous en donner la raison.


Sur le papier, l’idée de deux phases distinctes (narration/puzzle game) peut paraître séduisante mais dans les faits, celle-ci est perfectible. Sans dévoiler le jeu, voici sa mécanique globale : le joueur est tout d’abord invité à trouver une porte de service verrouillée par un digicode, la deuxième étape consiste à trouver le code adéquat en fouillant dans différents lieux de l’hôtel. Une fois le code d’accès en poche, retour à la porte de service pour accéder enfin à la troisième étape : le puzzle game. Inlassablement, chaque montée d’étages sera l’occasion de répéter cette même procédure et autant vous dire que cela se révèle de plus en plus frustrant notamment à cause des allers-retours. Malheureusement, ce n’est pas la vitesse de déplacement de votre avatar qui rendra la chose plus agréable, au contraire puisque celui-ci n’a que la possibilité de marcher. D’ailleurs, fait intéressant mettant en exergue la faiblesse de cette mécanique : lors du deuxième run, le joueur aura vite fait de rentrer directement les codes notés dans la précédente partie pour accéder aux phases de puzzles et ainsi éviter les fastidieux allers-retours. On pourrait penser d’une manière ou d’une autre que cette répétitivité est liée à l’histoire, ce qui est en parti vrai mais au niveau du gameplay, on sent que l’ensemble ne colle pas forcément et c’est bien dommage.

Techniquement cette version Nintendo Switch fait les frais d’un sérieux « downgrade » en comparaison de la version PC du jeu. Les effets de lumière, les reflets et certaines textures sont un bon cran en dessous et chose bien plus dérangeante : elle souffre d’un aliasing pouvant difficilement passer inaperçu. Fort heureusement, aucune baisse de framerate n’est à déclarer, de plus l’expérience est tout à fait satisfaisante en mode portable bien qu’elle ne profite pas des possibilités offertes par l’écran tactile. Du côté de la bande sonore, même si la musique manque de variété, elle a le mérite de servir admirablement l’ambiance du jeu. D’ailleurs la composition de celle-ci fait étrangement penser à la B.O du film Interstellar. Ajoutez à cela, l’excellent travail sur les dialogues, les bruitages corrects et vous obtenez un résultat plus qu’honorable.


Au final malgré des défauts flagrants, The Spectrum Retreat offre une expérience convaincante qu'il serait dommage de laisser passer. L’histoire est bien ficelée, son ambiance ne laisse que rarement le joueur dans l’indifférence et les puzzles, pourtant basés sur une mécanique simple, frisent parfois l’excellence et cela, sans la moindre trace de redondance ou de frustration. On regrette donc au final ce mélange des genres un peu maladroit, la répétitivité induite par la mécanique globale mais surtout la durée de vie limitée ne laissant que peu de place à la re-jouabilité.

Test de The Dark Bear

Ce qu’on a aimé :
  • La qualité des puzzles
  • La difficulté croissante très bien maîtrisée
  • L’histoire et l’ambiance
  • La performance de l’interprétation (pour Cooper)

Ce qu’on a moins aimé :
  • La courte durée de vie
  • Le mélange des genres maladroitement exploité
  • Les allers-retours systématiques
  • Le manque de visibilité du sous-titrage


Prix : 12,99 €
Genre : Puzzle Game
Taille eShop : 3,21 Go
Développeur / Éditeur : Dann Smith Studios Limited / Ripstone

Test réalisé depuis une version gracieusement fournie par l’éditeur. Les images publiées dans ce test sont issues de nos propres sessions de jeu et la note attribuée reflète notre propre avis personnel

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